

- Compte-rendu de la conférence “Simplifier la CSRD - une perspective opérationnelle”
Par Jérémy Cariddi, le 28 Mars 2025
Le 25 mars 2025, une conférence s'est tenue au Parlement européen à Bruxelles pour discuter des implications opérationnelles de la directive CSRD dans le cadre de la proposition Omnibus présentée par la Commission européenne le 26 février 2025. Cette proposition vise à simplifier les réglementations en matière de durabilité, notamment les directives CSRD et CSDDD. L'événement a rassemblé une cinquantaine de décideurs et experts de la tech (Greenly, Qonto, Mirova), ainsi que l’eurodéputé Pascal Canfin.
Lors de cette conférence, plusieurs points clés ont été abordés. Ainsi, il ressort qu’il est important de mettre en place un cadre réglementaire harmonisé. Malgré certaines critiques, l'utilité de la CSRD a été largement reconnue. Un cadre harmonisé de données ESG permet d'améliorer la transparence, de renforcer la compétitivité des entreprises et de faciliter l'accès aux financements.
L'initiative de simplification a été saluée, notamment pour les entreprises de taille intermédiaire, mais des inquiétudes ont été exprimées quant à l'éventuelle exclusion d'un grand nombre d'entreprises, en particulier avec la proposition de relever le seuil d'obligation à 1000 salariés, au lieu de 250 salariés actuellement. Cela risquerait de réduire la qualité des données et la transparence pour les investisseurs. Contrairement aux craintes liées à la complexité et aux coûts, plusieurs entreprises ont démontré que la mise en œuvre de la CSRD a déjà été optimisée grâce à des outils numériques. Certains acteurs estiment que les coûts annuels sont raisonnables, oscillant entre 5 000 et 10 000 € pour les PME, avec un retour sur investissement significatif.
L'audit obligatoire a été identifié comme un point de friction, en raison de son coût élevé et de son approche trop axée sur la conformité plutôt que sur la performance. Des alternatives, telles que la certification de logiciels et une approche plus adaptée aux PME, ont été proposées. Un modèle à trois niveaux graduels a été présenté, s’adaptant aux contraintes de chaque entreprise. Les TPE/PME disposeraient d’un standard simplifié, tandis que les entreprises de 250 à 1000 salariés bénéficieraient d’un cadre allégé mais obligatoire, et les grandes entreprises d’un cadre complet.
Un report de l'application de la CSRD pourrait creuser un écart entre les entreprises européennes et celles d'autres régions, notamment les États-Unis et la Chine. Un risque de dépendance vis-à-vis de fournisseurs de données non européens a également été souligné.
Des interventions marquantes
Philippe Zaouati – PDG, Mirova (Investisseur à impact)
Il a insisté sur l’importance des données dans les décisions d’investissement. Sans la CSRD, les investisseurs sont souvent contraints de combler les lacunes des données ESG par des estimations externes, majoritairement américaines. Il a mis en garde contre l’absence de normes de reporting, qui priverait les entreprises du contrôle de leur image. Pour lui, la CSRD ne se limite pas à une exigence de conformité, mais représente un enjeu crucial de compétitivité et de souveraineté des données en Europe.
Markus Adler – PDG, Code Gaia (Fournisseur de logiciels ESG, Allemagne)
Il a partagé l’expérience de son entreprise, qui accompagne plus de 350 PME en Allemagne. Il craint que la proposition Omnibus n’incite les entreprises de taille intermédiaire à se détourner des enjeux de durabilité faute d’obligation. Selon lui, celles qui ont anticipé la CSRD en ont tiré des bénéfices stratégiques, passant d’une approche défensive à une quête proactive d’opportunités. Il cite une étude du BCG révélant qu’un euro investi dans le reporting de durabilité peut générer jusqu’à 19 € de valeur.
Alexis Normand – PDG, Greenly
Il a présenté des données concrètes issues de plus de 3 000 entreprises utilisant la plateforme Greenly. Selon lui, les coûts et délais restent raisonnables : environ 10 000 € pour les entreprises moyennes et 5 000 € pour les PME, avec seulement 10 à 15 jours de travail pour un chef de projet. Il plaide en faveur d’une certification des logiciels plutôt que d’audits onéreux (40 000 à 50 000 €) et met en garde contre une simplification excessive qui risquerait d’exclure certaines entreprises.
Linda Schmalbrock – Responsable Durabilité, Lea Partners (Fonds PE/VC)
Elle a expliqué que plusieurs entreprises de son portefeuille, bien qu’ayant anticipé la CSRD, se retrouvent exclues par la nouvelle proposition. Pour elle, ignorer la durabilité revient à ignorer des risques majeurs, tels que les perturbations des chaînes d’approvisionnement, l’accès aux matières premières ou la viabilité à long terme. Elle plaide pour une obligation s’appliquant aux entreprises de plus de 250 employés, accompagnée d’outils d’intégration simplifiés, et met en garde contre un report de deux ans qui risquerait de briser la dynamique actuelle.
Elodie Le Breton – Directrice Stratégie, GA Smart Building
Représentant une entreprise française de taille intermédiaire (800 employés), elle a démontré comment la CSRD a permis de consolider plus de 300 indicateurs ESG en une feuille de route stratégique. Elle considère le processus comme utile et transformateur, mais critique les audits trop bureaucratiques et coûteux, axés sur le contrôle plutôt que sur la performance. Elle recommande des audits plus orientés vers le dialogue, notamment pour les PME.
Dr. Nadine Hagemus-Becker – Responsable Durabilité, Schauenburg International
À la tête d’un conglomérat de 15 entreprises, dont la majorité compte moins de 50 employés, Hagemus-Becker a dénoncé la complexité de la CSRD pour les petites structures. Tout en saluant les simplifications apportées par l’Omnibus sur les données et les audits, elle alerte sur l’impact de la collecte d’informations, qui peut perturber les opérations. Elle plaide pour un ensemble d’indicateurs à la fois réduit et standardisé, ainsi qu’une infrastructure de reporting entièrement numérique.
Alexia Delahousse – VP, Qonto
Qonto, une scale-up approchant les seuils de la CSRD, a commencé volontairement son reporting en 2024. Delahousse souligne la nécessité de repères clairs sur les coûts et les normes du marché, notant des écarts de prix importants entre consultants (jusqu’à 10 fois plus cher). Elle préconise un investissement initial dans l’évaluation de matérialité et une flexibilité accrue pour les jeunes entreprises en forte croissance.
Dolly Betmi – Responsable CSRD, Monin
Elle insiste sur le fait que la CSRD doit être perçue comme une opportunité de création de valeur plutôt que comme une contrainte. Forte de son expérience dans une entreprise française historique, elle souligne l'importance des logiciels modernes et des chefs de projet formés pour simplifier le reporting. La CSRD offre aux entreprises l'opportunité de se positionner en leaders dans les appels d'offres et la gestion des parties prenantes, notamment dans les secteurs industriels comme l’agroalimentaire et la construction.
Ludovic Flandin – We Are Europe (Coalition de 300+ experts en durabilité)
Il met en garde contre un affaiblissement de la CSRD, alors que la Chine et les États-Unis renforcent leurs normes ESG. Il défend une approche modulaire du reporting, avec un cadre de base (ESRS) et une complexité adaptée à la taille de l’entreprise. Il souligne que 50 % des entreprises françaises concernées par la deuxième vague sont déjà prêtes et que la concurrence entre logiciels a fait chuter les coûts. Il annonce également le lancement d’une enquête paneuropéenne pour alimenter le processus législatif.
Helena Charrier – Membre du conseil d’administration du FIR et d’Eurosif
Elle défend la nécessité des audits pour garantir la fiabilité des données, tout en appelant à des mécanismes de soutien pour aider les entreprises de taille intermédiaire à s’y préparer progressivement. Elle insiste sur l'importance de préserver les principes de double matérialité, de transparence des chaînes de valeur et de plans de transition, essentiels pour les décisions des investisseurs. Elle souligne également l’importance de l’alignement extraterritorial pour les portefeuilles internationaux.
Témoignages d’entreprises : Wildboer, Monin, Duschoe Rainha
Trois entreprises ont confirmé que la CSRD est vue comme un avantage concurrentiel, en particulier pour la gestion des chaînes d’approvisionnement et l’éco-conception. Toutefois, elles mettent en garde contre le risque de relégation de la durabilité si le reporting n'est pas rendu obligatoire. Elles appellent à un soutien accru pour les PME, sous forme d’incitations financières, de lignes directrices plus claires et de simplifications sectorielles.
Réponse parlementaire et perspectives politiques
Pascal Canfin et les eurodéputés ont insisté sur la nécessité d’un équilibre entre simplification et application de la loi, en proposant un modèle à trois niveaux pour adapter la charge réglementaire sans réduire l’ambition. Face à la forte opposition de l’Allemagne, ils ont sollicité l’aide des parties prenantes pour en comprendre les raisons. Ils ont également appelé à la mobilisation de l’opinion publique et des entreprises européennes afin de contrer le lobbying en faveur de la déréglementation et de défendre une CSRD résiliente et tournée vers l’avenir.
Ainsi, la conférence a confirmé que la mise en œuvre de la CSRD est déjà bien engagée pour de nombreuses entreprises. La simplification des exigences, notamment pour les PME, est jugée nécessaire, mais une réduction excessive des obligations pourrait affaiblir la transparence et la compétitivité européenne. Les recommandations finales incluent le maintien d'une obligation pour les entreprises de plus de 250 salariés, le développement de standards digitaux simplifiés pour les PME, et une réforme du système d'audit pour le rendre plus accessible et orienté vers la performance.
Revoir la conférence en replay
À propos de Greenly
Créée en octobre 2019 par Alexis Normand (DG, ex-Directeur santé de Withings, HEC, Sciences-Po, passé par le bureau de Boston de Withings et Techstars), Matthieu Vegreville (CTO, X-Telecom, data scientist chez Withings) et Arnaud Delubac (CMO, ESSEC-Centrale, INSEEC, précédemment chargé de communication digitale au cabinet du premier ministre), la société Offspend SAS, a lancé en janvier 2020 Greenly, première plateforme mondiale de comptabilité carbone avec plus de 2500 clients entreprises en France, UK et USA. La climate tech permet aujourd’hui à toutes les entreprises, peu importent leur taille ou secteur, de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, en commençant par mesurer simplement leurs émissions de CO2. La méthodologie Greenly a été vérifiée par l’AFNOR Certifications en juin 2024. La climatech a obtenu le label B-Corp en septembre 2022 et entend mettre à disposition son expertise à la communauté.
Pour plus d'informations, merci de visiter le site https://www.greenly.earth/
À propos de WeAreEurope
Lancé en 2025, WeAreEurope est un mouvement de citoyens et de leaders d'entreprises mettant en place des initiatives dans tous les États membres de l'UE pour promouvoir l'approche européenne du commerce durable. Celle-ci repose sur les principes ESG, la science, le développement de villes centrées sur l'humain ainsi que la promotion de la diversité, de l'égalité et de l'inclusion.
WeAreEurope rassemble des dirigeants d'entreprises, d'universités, de cabinets de conseil et de plateformes numériques afin de pallier le manque de supervision concernant le changement climatique, la perte de la biodiversité et les inégalités sociales. L'objectif est d'encourager la participation des parties prenantes et de garantir une évaluation adéquate des impacts.
Pour plus d’informaition, merci de visiter le site http://www.weareeurope.group/
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